Les jours se suivent
Nous n’en sommes qu’au 3ème jour, et déjà, j’ai
l’impression que ça fait une éternité.
J’ai mal dormi.
En arrivant au boulot ce matin, une de mes collègues n’était
plus là, la seconde s’apprêtait à repartir. Elle m’a annoncé : tu n’es pas
au courant, tout comme moi, tu fais partie des personnes à risques, tu dois
rentrer chez toi. J’ai pris ça comme un train dans la figure. Non, non, ce
n’est juste pas possible. Ce n’est pas de la rébellion, juste que tout a tourné
dans ma petite caboche, très vite. Pas question que je quitte le navire.
Qu’ai-je à perdre me disais-je ? Je ne me considère pas comme
indispensable, je considère simplement que je dois être là. Et puis oui, je
l’avoue, je ne m’imaginais même pas rester chez moi, enfermée, prostrée,
ruminant des idées noires, comme ligotée, et ne plus pouvoir faire ce qui me
tient le plus à cœur. J’ai pleuré.
Etre là… au moment où il faut l’être. Je n’ai rien d’une
héroïne, mais si ma petite contribution peut être utile, alors….
J’ai téléphoné à mon médecin, j’ai fait le tour de mes
spécialistes. Je vais bien…
Donc je vais rester. Je ne suis pas inconsciente. Je saurais
prendre toutes les précautions qui s’imposent pour ne pas m’exposer, mais ne
pas lâcher. Non ne pas lâcher.
Nous sommes vraiment en équipe plus que restreinte, nous
avons géré beaucoup d’urgences, d’autres moins … le standard a buggé.. Nous n’étions pas loin d’en faire autant.
J’ai eu le plaisir, dans toutes ces situations difficiles
qui venaient à nous d’avoir des personnes compréhensives, et qui malgré leurs
problèmes avaient de l’humour aussi, aucune pointe d’agressivité,
reconnaissants même. Cela fait du bien.
J’ai eu le plaisir de déjeûner avec un ami aujourd’hui, même
si on m’a fortement conseillé d’éviter. Je regrette juste de ne pas avoir pu le
prendre dans mes bras, le serrer très fort, et lui dire : je suis là, on
est amis. Tu as besoin je suis là, j’ai besoin tu es là.
J’avoue que ce soir, j’ai le cerveau un peu à l’envers….
Toutes ces questions auxquelles nous n’avons pas pu répondre, parce que nous
n’avons pas de réponse en fait.. .
Je suis un peu en colère contre nos dirigeants qui depuis
l’annonce de lundi n’en disent pas plus, et laissent les rumeurs les plus
folles se déverser de toutes parts.
Je suis en colère après les médias, qui avec une info minime
telle le caillou du Petit Poucet fabriquent un Everest et sèment la panique. Ce
n’est plus de l’information c’est de la désinformation…
Je suis en colère, et triste, car malgré mon souci
d’apaisement de tous, je n’arrive pas à apporter de réponses, à part celles
dont je suis sûre, et il y en a peu.
Si je pouvais juste être entendue, un peu, je voulais juste
vous dire. Ne cédez pas à la panique, ne laissez pas votre colère l’emporter,
ne faites pas n’importe quoi dans l’idée que rien ne peut vous arriver, essayez
de rester sereins autant que faire se peut. Soyez patients.
Demain sera un autre jour, le quatrième.
Et moi qui fait des recommandations, j’avais juste envie de
parler de mon ressenti personnel. J’ai juste envie de prendre dans mes bras
ceux que j’aime, je n’ai pas envie de les savoir dans l’angoisse ou la
détresse, j’ai envie que tout redevienne comme avant….
Ce n’est plus étrange, c’est déroutant tout ça.
Ah oui, je me suis faite arrêtée cinq fois depuis mardi par
la «maréchaussée’’ gantée et masquée,
Ils ressemblaient aux Tortues Ninja.
Prenez soin de vous
Et je veux surtout croire que :
We will survive ….
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